En 1974, le psychologue et philosophe Anatol Rapoport de l'université de Toronto affirma que la manière la plus « efficace » de se comporter vis-à-vis d'autrui était, 1 : la coopération, 2 : la réciprocité, 3 : le pardon.

1) La coopération

Dans un premier temps, lorsqu'un individu ou un groupe rencontre un autre individu ou groupe, il a tout intérêt à lui proposer une alliance.

2) La réciprocité

Dans un second temps, en vertu de la règle de réciprocité, il convient de donner à l'autre en fonction de ce que l'on en reçoit. Si l'autre aide, on l'aide en retour ; si l'autre agresse, il faut répondre en l'agressant à son tour, de la même manière et avec la même intensité.

3) Le pardon

Dans un troisième temps, il faut pardonner et offrir de nouveau la coopération.

En 1979, Robert Axelrod, professeur de sciences politiques, organisa un tournoi entre logiciels autonomes équipés d'une routine de communication leur permettant d'interagir avec leurs voisins. Chaque programme édictait des lois différentes de comportements (pour les plus simplistes, deux lignes de code, pour les plus complexes, une centaine) le but étant d'accumuler un maximum de points.

Certains programmes avaient pour règle d'exploiter au plus vite leurs voisins, de s'emparer de leurs points par la force ou la ruse, puis de changer rapidement de partenaire afin de poursuivre cette accumulation de points. D'autres essayaient de se débrouiller seuls, gardant précieusement leurs points et fuyant tout contact susceptible de les spolier. Les règles stipulaient par exemple :

« Si l'autre est hostile, l'avertir qu'il doit modifier son comportement puis procéder à une punition »

Ou encore :

« Coopérer puis obtenir des défections-surprises provoquées par un système aléatoire »

Chaque programme fut opposé 200 fois à chacun des concurrents et celui d'Anatole Rapoport équipé du comportement CRP (Coopération-Réciprocité-Pardon), battit tous les autres. Même si ce dernier ne remportait pas les duels, il accumulait plus de points que les autres sur l'ensemble des parties.

« Aimez-vous les uns les autres pour obtenir un maximum de points »

Jésus ?

Dans la Nouvelle encyclopédie du savoir relatif et absolu, Bernard Werber nous indique que Rapoport avait trouvé, sans le savoir, une justification scientifique au célèbre « Aimez-vous les uns les autres ». Parce que « c'est notre intérêt égoïste dans le long terme ».

En réalité la stratégie n'a pas grand chose à voir avec la parole de Jésus, ou plus généralement avec le comportement humain.

Stratégie donnant-donnant

La particularité de la stratégie CRP réside dans le fait qu'elle tient compte du comportement de l'adversaire :

Au premier tour : coopérer
Ensuite : répéter le coup que l'adversaire a joué au tour précédent

Il faut relever le fait que la stratégie CRP n'a gagné aucun de ses matchs. Le tournoi est une série de duels où les différentes stratégies s'affrontent deux par deux. A chaque duel, la stratégie « donnant-donnant » fait moins de points - ou autant à la limite - que la stratégie opposée. Ces résultats paradoxaux sont possibles parce qu'on a là un jeu à somme non constante : le nombre de points distribués n'est pas toujours le même.

Stratégie à mémoire courte

La stratégie CRP est bienveillante, optimiste et commence toujours par coopérer. Elle n'est pas non plus naïve, et n'hésite pas à punir quand elle a été trahie. C'est aussi une stratégie juste, qui n'est pas fourbe. Elle ne s'amusera pas à trahir si tout le monde coopère. Le point le plus intéressant est qu'il s'agit d'une stratégie à mémoire courte, qui ne se base que sur le tour précédent pour décider ce qu'elle va faire : elle ignore donc complètement le passé.

La punition est immédiate mais le pardon l'est aussi, et il est inconditionnel.

En pratique les humains ont du mal à adopter ce genre de comportement, nous sommes vite rancuniers, et ce n'est pas facile de regagner notre confiance. Il y a peut-être un principe intéressant à méditer pour les relations humaines, que ce soit en famille ou au travail : punition immédiate mais pardon inconditionnel.

Nota Bene 1 :
Jésus ne semblait pas équipé de la stratégie CRP : il pardonnait même en cas d'agression. Sa stratégie était plus proche de RCP : Rébellion, Chemin de croix et Pardon... ce n'est pas la même chose.

Nota Bene 2 :
Il ne semble pas judicieux de s'inspirer de la stratégie CRP en séduction, car elle n'est pas bénéfique sur le court terme. Il faudrait sans doute modifier la première règle, et supprimer le pardon.

Dans un premier temps, lorsqu'un individu ou un groupe rencontre un autre individu ou groupe, il a tout intérêt à lui proposer une alliance à inciter son adversaire à désirer l'alliance.

Cf. article sur la Mystery Method pour une stratégie plus adaptée à la séduction.

Sources ayant permis la rédaction de cet article :

  1. Wikipédia - La stratégie coopération-réciprocité-pardon
  2. Bernard Werber - L'Encyclopédie du savoir relatif et absolu
  3. Science étonnante - La Théorie des Jeux