Le stoïcisme correspond à une période de l'antiquité, III siècle avant Jésus-Christ. C'est un mouvement philosophique qui vient après Socrate, Platon, Aristote et qui a perduré à travers les siècles. Le stoïcisme a pour finalité le bonheur de l'existence humaine, obtenu grâce à une acceptation rationnelle de l'ordre du monde et de son évolution. C'est une philosophie théorique, mais aussi pratique, tournée vers l'action dans le monde et donc destinée à l'individu.
Vaincre nos émotions
Ce qui dépend de nous, ce qui ne dépend pas de nous
La vision stoïcienne du monde est basée sur une séparation entre les choses qui dépendent de nous et les choses qui ne dépendent pas de nous. Il y a ce dont nous héritons, et ce que nous construisons par nous-même.
C'est la conscience que nous ne sommes pas en capacité de tout faire, et que nous sommes fondamentalement limités. De ce point de vue, la philosophie stoïcienne est un appel à l'humilité, qui n'est autre que la reconnaissance de notre impuissance et finitude.
« Si je désire des choses impossibles, je vais souffrir. »
Si les stoïciens prennent la peine de le préciser, c'est que dans notre comportement réel, quotidien, nous avons tendance à l'oublier. Nous pensons que certaines choses dépendent de nous alors que ce n'est pas le cas.
Acceptation de la mort
Etre affecté par la mort d'un proche est une aberration logique pour les stoïciens, car nous ne pouvons faire en sorte qu'il soit éternel. Il faut accepter la mort de cette personne car c'est dans l'essence de l'être humain de vivre et de mourir.
Cette première limite de la nature humaine qui est la mort, nous ne devons pas seulement savoir qu'elle existe, mais nous devons l'accepter au plus profond de notre être. Nous devons accepter la mort, nous devons accepter notre propre mort. La philosophie du travail d'acceptation de la mort consiste à l'accepter comme une loi de la nature pour s'émanciper de la tristesse et du chagrin. Pour les stoïciens, le sentiment d'angoisse est la preuve que vous n'avez pas accepté l'idée de la mort.
Nous retrouvons cette idée chez les stoïciens et les épicuriens : la mort n'est rien. Lorsque nous vivons, la mort n'est pas là. Lorsque nous mourrons, nous ne sommes plus là pour souffrir. Nous ne rencontrons jamais la mort, qui nous emporte en un claquement de doigts, que nous n'avons pas le temps de voir. L'angoisse de la mort, c'est l'angoisse d'une idée (non pas d'une réalité), c'est l'angoisse d'une projection mentale.
Nous ne devons pas être affectés par ce qui ne dépend pas de nous
La projection imaginaire fait que l'individu n'est jamais dans sa réalité présente. Nous ne sommes jamais vraiment dans l'instant présent. Nous sommes toujours dans l'anticipation du futur ou dans la nostalgie du passé. Le problème de ces projections est qu'elles font naître en nous des émotions que les stoïciens appelaient des « passions » (ancien terme pour parler des émotions). « Pathos » en Grec veut dire souffrance, ce par rapport à quoi nous sommes passif : ce que nous subissons. La peur, le regret, la jalousie, l'envie, la colère sont des créations de notre esprit qui prouvent que nous n'acceptons pas l’existence telle qu'elle est. Nous laissons les émotions prendre le dessus sur nous et sur notre état affectif : donc nous en sommes responsable. Nous ne devons pas être affectés par ce qui ne dépend pas de nous.
La cause de la colère est souvent identifiée comme externe :
« Si je suis en colère c'est parce qu'on m'a mis en colère »
C'est un prétexte pour justifier de ne pas savoir maîtriser nos émotions. « Etre stoïque » signifie aujourd'hui être impassible : « sans passion », c'est une forme d'indifférence, mais qui n'est pas liée à une absence de conscience (au contraire). Une indifférence assumée car elle correspond à la conscience que certaines choses ne dépendent pas de nous. Pourquoi être affectés par ce qui ne dépend pas de nous ?
A travers nos émotions, nous masquons le fait que nous n'arrivons pas à accepter le monde tel qu'il est. Les stoïciens ne cherchent pas à changer la réalité mais le point de vue que nous avons sur la réalité.
Cf article sur l'amour idéal, qui est une projection imaginaire.
Mettre nos actes en conformité avec nos pensées
Nous pourrions penser que le stoïcisme est une philosophie de la soumission et de la passivité, dans la mesure où tout accepter serait une forme de renoncement.
La première difficulté est d'identifier ce qui peut être changé à notre niveau, et ce qui ne peut pas l'être. Il faut donc accepter que seul, les changements que nous pouvons opérer seront à l'image de nos capacités (relativement au monde). Nous agissons sur le périmètre sur lequel nous pouvons agir, et nous ne nous soucions pas du reste, qui appartient au monde.
Le renoncement revient à ne pas faire ce qui dépend de nous. Nous renonçons par ego. C'est un raisonnement dicté par les émotions. Il nous appartient en temps qu'individu de faire des choses dont nous sommes capables, il ne nous appartient pas en tant qu'individu d'agir à la place des autres.
C'est donc plutôt une philosophie de la lucidité que du renoncement. Il s'agit de mettre nos actes en conformité avec nos pensées, et que nos actions ne portent pas la marque des émotions. C'est une forme de liberté, qui nous permet de ne pas dépendre d'une ambition irréaliste, d'une illusion. Les stoïciens estiment que nos émotions nous rendent esclaves, comme un filtre entre nous et la réalité.
Les personnes qui réussissent dans la vie ne désirent pas l'impossible, mais ne se soucient que de ce qu'elles sont capables de réaliser.
Acceptation rationnelle de l'ordre du monde
La sagesse, condition du bonheur
Le but de l'existence humaine est d'atteindre le bonheur et la sagesse (condition du bonheur). Je comprends le monde, la manière dont il fonctionne, je l'accepte et parce que je l'accepte, je peux être heureux.
« L'important n'est pas ce qu'on a fait de nous, mais ce qu'on fait de ce qu'on a fait de nous »
Sartre
Nous avons tous un caractère ou un tempérament, et sommes tous enclins à éprouver des émotions, des passions. Mais rien ne nous empêche de prendre conscience de ce caractère qui est le nôtre et de travailler à le changer, puisque c'est dans nos possibilités.
Aucun événement ne se produit sans cause
Tout a une raison, tout a une cause. Nous pouvons expliquer tout ce qui arrive. Expliquer ne signifie pas justifier (légitimer) sur le plan moral. Tout ce qui arrive est un effet de la cause qui le précède. Donc si nous étions capable, du point de vue de notre connaissance, d'identifier toutes les causes de ce qui arrive, nous nous apercevrions que tout est normal, tout est logique, tout est rationnel. La raison englobe tout ce qu'il est possible de comprendre.
Pour les stoïciens, rien de ce qui arrive n'est étonnant. L'univers est totalement rationnel, il obéit aux lois de la logique : il est donc compréhensible. L'homme, en tant que partie de cet univers, doit se comporter comme tel.
Le bonheur c'est ne plus désirer
La satisfaction du plaisir n'est jamais assouvie
Les stoïciens définissent le bonheur par la capacité à ne plus dépendre de nos émotions, qui nous empêchent de déployer notre potentiel rationnel.
Nous pouvons vaincre nos émotions, et c'est grâce à ce combat que nous nous dirigeons vers la sagesse. Le bonheur est le contraire de la satisfaction du plaisir, car le désir est quelque chose qui ne dépend pas de nous. C'est un sentiment qui nous habite, et qui vient manifester notre manque d'un objet extérieur. Désirer prouve que nous dépendons de l'objet de notre désir. Nous associons spontanément notre bonheur à l'acquisition de l'objet du désir, ce qui est une illusion. Le bonheur, c'est ne plus dépendre de nos désirs. Le bonheur, c'est ne plus désirer.
Fight Club : La satisfaction du plaisir n'est jamais assouvie :
Stoïcisme contre le message superficiel du développement personnel
Fight Club est un film qui s'oppose en tous points au message superficiel du développement personnel, tel qu'on peut se le représenter de manière caricaturale :
« Tout est possible, tout est réalisable »
Le film propose un message mi-philosophique, mi-spirituel, en réponse au problème capitaliste. C'est un mélange de philosophie stoïcienne et de bouddhisme. Du « stoïcisme viril », comme le dit avec humour Les Philogynes.
Selon Tyler Durden, vouloir toujours briller, vouloir rester intact au yeux des gens... est un plaisir qui ne durera pas. L'autodestruction, ou plutôt le sacrifice de l'ego, serait donc la liberté. Le personnage n'hésite d'ailleurs pas à se mettre dans des situations dégradantes pour faire passer un message.
Accepter et embrasser le malaise, la souffrance, se détacher de tout. Accepter que nous ne contrôlions que peu de choses, y compris - comme le dit Tyler Durden - l'amour de Dieu et la mort (l'acceptation de la mort étant un principe clé du stoïcisme). Accepter que l'on ne contrôle pas le fait de se faire rejeter. Provoquer le rejet pour s'y habituer et le considérer comme normal. Penser que rien ne nous est dû, que ce n'est pas parce que nous sommes bons et gentils qu'il faudrait recevoir une récompense.
« Soyez plus humble face à votre impuissance, c'est le meilleur moyen d'être libre. »
Cf. article sur le Nice Guy qui attend une récompense pour son bon comportement.
Vaincre ses émotions pour séduire ?
Considérer une relation à sa juste valeur
En séduction, voir les choses de manière stoïcienne permet de considérer une relation à sa juste valeur, et de ne pas créer de projections imaginaires, de ne pas souhaiter de garanties, de ne pas tenter de les obtenir en se servant des émotions. Car, si les événements se déroulent de manière rationnelle (donc différemment de ce que nous avions prévu en étant guidé par nos émotions), nous risquons de devenir esclave de ces émotions, transformées, plus tard, en ressentiment ou en tristesse profonde.
S'investir c'est créer l'illusion d'être amoureux
Plus concrètement, le manque d'opportunités augmente notre investissement, y compris émotionnel (aimer une personne de manière irrationnelle), et nous pousse à sauter des étapes en se servant d'illusions, de projections imaginaires. S'investir c'est s'attacher, s'attacher c'est s'investir... Comportement logique du cerveau.
Cf. article : Robert Greene, l'art de rendre amoureux et Tobie Nathan, qui explique le sentiment amoureux.
Quand nous nous investissons, nous nous attachons, mais nous nous investissons aussi toujours plus, pour justifier le fait que nous nous somme déjà investis, et ce, même si un déséquilibre d'investissement se creuse entre nous et la personne que nous aimons ou que nous désirons. Nous idéaliserons également toujours plus la personne aimée, pour nous prouver que le déséquilibre d'investissement est justifié.
C'est une illusion, qui génère un besoin régulier de garanties, et même pire : nous nous contentons de garanties superficielles, qui nous permettrons de poursuivre ce comportement irrationnel, et ne voulons surtout pas connaître la vérité.
L'illusion génère le besoin de garanties
Pourquoi s'éloigne-t-elle ? Elle me dit pourtant tous les jours que je suis quelqu'un de rare, une belle personne.
Ce type de compliment est pourtant souvent lié à un processus d'éloignement, de la part d'une personne aimée, envers une personne aimante. C'est une pommade qui annonce la fin de la relation affective. « Tu es quelqu'un de bien » (sous-entendu : pas pour moi ou qui ne m'attire pas).
Car l'attirance ne s'exprime pas avec des mots. Le « Nice Guy », qui n'est pas très stoïcien, aura tendance à facilement verbaliser, pour obtenir des preuves d'engagement régulières. Pensant qu'il s'agit d'une étape logique pour « renforcer la relation », alors qu'il s'agit d'un stratagème pour obtenir des garanties.
Cf. article sur le « Nice Guy » qui cherche à obtenir des garanties.
L'état de manque empoisonne la naissance de la relation
Une personne qui est dans l'abondance refusera logiquement de donner toute forme de garanties au début d'une relation (des garanties sentimentales). Justifier le fait que nous devrions être plus proche, nous engager, aller plus vite, etc. sous prétexte que nous ressentons quelque chose de fort... n'est pas rationnel, puisque ce comportement reflète un état de manque, donc de souffrance .
Souhaiter voir une personne tous les jours au début d'une relation n'est pas rationnel. Avouer ses sentiments au début d'une relation n'est pas rationnel. Ressentir de la jalousie quand une personne préfère voir ses amis, et ne nous accorde qu'une journée par semaine au début d'une relation, n'est pas rationnel.
Car il s'agit d'un embryon de relation, qui doit être jugé à sa juste valeur. Vous ne serez pas entièrement détruit si celui-ci vient à mourir. C'est pourquoi il est toujours plus judicieux de vaincre ses émotions au début d'une relation.
Il s'agit de devenir vulnérable réciproquement.
Sources ayant permis la rédaction de cet article :
- Le Précepteur - LE STOÏCISME - Vaincre nos émotions
- Les Philogynes - S'en battre les couilles comme Tyler Durden (Fight Club)